Dans un contexte où le réchauffement climatique devient de plus en plus préoccupant, le volontarisme des pouvoirs publics autour du développement du véhicule électrique a été illustré le 8 juin 2022, lorsque la commission européenne décision de bannir définitivement les véhicules thermiques à partir de 2035. Cette décision implique le développement du véhicule électrique à l’échelle du continent européen, et la France fait plutôt figure de bon élève. Dans ce contexte dynamique, les Etats ont conscience du risque de « rater le train en marche », et des nouveaux projets d’extraction de lithium fleurissent dans divers endroits du globe, du Québec à la république Tchèque. En France, c’est vers l’Allier que les regards se tournent, la future mine de lithium d’Echassières promettant de devenir le principal centre de production de ce minerai en Europe. Tout projet industriel d’envergure génère légitimement des interrogations et des inquiétudes dans l’opinion, et le projet EMILI d’Imerys ne semble pas échapper à cette règle. L’entreprise a dès lors dynamisé sa communication (notamment auprès des riverains) afin d’apporter des réponses concrètes aux diverses questions du public. Calendrier, capacité industrielle, impact sur l’environnement…Passons en revue les nombreuses questions qui entourent le projet EMILI afin d’en dresser un tableau le plus complet possible.
Une solution locale à une problématique globale
D’après l’Agence Internationale de l’Energie, Les ventes mondiales de véhicules électriques ont dépassé les 10 millions en 2022, la Chine représentant 60% du total des ventes. L’Europe n’est pas en reste et représente le second marché mondial, avec des ventes en hausse de 15% en 2022. En France, les ventes de véhicules électriques ont ainsi marqué un record au cours du mois de juillet, avec 32 208 immatriculations. Sur les premiers mois de l’année 2023, la part de marché des véhicules électriques et hybrides rechargeables a ainsi progressé de 43% par rapport à la même période en 2022. La voiture électrique a donc le vent en poupe, ce qui induit logiquement une forte pression sur la phase amont de la chaîne de valeur : l’extraction et le traitement du lithium, le précieux minerai indispensable aux batteries des EVs. Le gisement de lithium près d’Echassières dans l’Allier est à ce jour le plus important de France, ce qui explique l’ampleur de la voilure du projet (création de plus de 1000 emplois directs et indirects) et l’attention médiatique qu’il suscite.
Une fois pleinement opérationnelle (2028), la mine sera donc en capacité de produire 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an, ce qui représente 700 000 véhicules électriques équipés. Le projet EMILI (Exploitation de Mica LIthinifère par Imerys) joue donc un rôle clé dans le développement d’une indépendance énergétique française dans la course à l’électrification. Outre cette double dimension (souveraineté économique et transition énergétique), le projet contribue à l’essor d’une filière européenne performante et pérenne.
Le 26 juin 2023, les premiers échantillons d’hydroxyde de lithium ont été produits en laboratoire rendant ainsi le processus de transformation opérationnel. Dès 2025, l’usine pilote aura la capacité de produire plus de 100 tonnes d’hydroxyde de lithium.
Un projet industriel concerté
Le 26 juillet 2023, le projet est entré dans une phase de débat public avec la saisine de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), un organisme indépendant chargé de garantir le « droit à l’information et à la participation du public sur l’élaboration des projets et des politiques publiques ayant un impact sur l’environnement. » Le 6 septembre, la CNDP a validé l’organisation d’un débat public sur le sujet, et a nommé Mathias Bourrissoux comme président de la commission particulière en charge de l’animation du débat public sur le projet EMILI. En 2024, la CNDP organisera donc une vaste concertation à l’occasion de laquelle toutes les parties prenantes auront la possibilité de s’exprimer. Le projet EMILI se déploie ainsi en respectant une exigence de transparence, ce qui permet un déroulement serein de ce projet industriel d’ampleur. Dans ce type de contexte, le manque d’information réel ou perçu peut générer des crispations et de la défiance, et il est dès lors primordial que l’information circule pour éviter rumeurs, incompréhensions et approximations.
Quelle gestion de la ressource en eau ?
La gestion de l’eau est – légitimement – l’une des questions et préoccupations des riverains et du grand public au sujet du projet EMILI. Au cours de l’été 2023, la question de l’eau s’est en effet imposée comme une thématique cristallisant l’inquiétude croissante des Français autour des questions environnementales. La question des mégabassines à Sainte-Soline a illustré cette crispation croissante autour de la préservation et la gestion durable de la ressource en eau.
Comme d’innombrables procédés industriels, la transformation du lithium est un processus qui requiert l’usage d’eau. Les mines de lithium sont parfois perçues de manière caricaturale comme extrêmement gourmandes en eau, sans que des données précises ne soient avancées. La raison de cette triste réputation semble résider dans les particularités techniques des mines de lithium sud-américaines, qui utilisent des procédés d’extractions fortement consommateurs d’eau. Rappelons que le « Triangle de l’or blanc », (zone à cheval entre le Chili, l’Argentine et la Bolivie et représente 60 % des ressources mondiales en lithium. Le salar d’Uyuni en Bolivie est un exemple emblématique de cette consommation d’eau problématique.
National Geographic avait par exemple réalisé une enquête sur la technique d’extraction du lithium utilisée dans ce salar (vaste étendue naturelle de sel). Les nombreux bassins d’évaporation (qui permettent d’isoler les sels de lithium) puisent l’eau dans le Rio Grande, un fleuve considéré comme l’un des 34 global biodiversity Hot Spots par l’organisme Conservation International. La future mine de lithium dans l’Allier n’aura pas recours à ce type de procédé, étant donné qu’il s’agit d’une mine souterraine dans laquelle le lithium est extrait de la roche. En amont, Imerys s’assure de pouvoir quantifier avec précision les besoins en eau de la future mine. A cette fin, une étude hydrographique est en cours de réalisation, et elle s’étend sur une durée d’un an afin de prendre en compte les variations climatiques saisonnières. Plus précisément, il s’agit de localiser et quantifier les ressources nécessaires, de comprendre et anticiper la circulation des eaux ainsi que d’en contrôler la qualité avec fiabilité. Le responsable environnement du projet (Fabrice Frebourg) explique que le projet nécessitera environ 600 000 m3 d’eau par an pour les étapes de concentration et transport vers le site de chargement, ce qui représente moins d’un millième du débit de la Sioule, la rivière la plus proche du site. En aval, l’étape de conversion (séparation du lithium et du mica) représentera un volume annuel d’eau de 400 000m3. M. Frebourg indique également que « une fois arrivée en bout de circuit, une grande partie de l’eau serait renvoyée vers l’usine de concentration pour y être réutilisée ». En période de sécheresse, Imerys compte utiliser les réserves d’eau générées par les activités kaolin (il existe en effet déjà une carrière de kaolin sur le site) afin de ne pas peser sur des ressources en tension. Par ailleurs, plusieurs piézomètres seront installés à des emplacements clés du site, afin de mesurer le niveau et la pression de l’eau souterraine. Ces précautions s’inscrivent en outre au sein d’un cadre réglementaire très strict, comme le rappelait Alan Parte (le Vice-Président du projet chez Imerys) lors d’un entretien donné au journal « La Montagne » : “la France est le pays où les normes en termes de responsabilité sociale et environnementale sont les plus strictes dans le monde.”
Quel impact sur la biodiversité et l’environnement ?
Dans l’optique de minimiser l’impact sur l’environnement et la biodiversité, Imerys coopère avec le Conservatoire des Espaces Naturels de l’Allier, l’Office National des Forêts et le Muséum National d’Histoire Naturelle. L’objectif concret est de compenser l’extension de la carrière en créant plusieurs mares et plans d’eaux destinés à capter les eaux de pluie et le ruissellement de la carrière. Ces espaces naturels permettront à plusieurs espèces (libellules, salamandres et tritons) de continuer à proliférer dans les environs de la mine. En outre, Imerys a adapté la temporalité du projet pour que les fauchages ne débutent pas avant l’automne, ce qui permet dès lors de protéger les insectes et les petits animaux durant leur période de reproduction.
Le développement de la future mine de lithium n’aura pas d’impact ni sur la forêt domaniale des Colettes, ni sur les zones Natura 2000 à proximité du site de Beauvoir (Echassières). La mine sera en effet souterraine, ce qui permet notamment de limiter les infrastructures de surface (bâtiments, stockages, puits, descentes) autour du site, et minimise ainsi l’empreinte visuelle et sonore du site pour les riverains. Puisqu’elle aura lieu de manière souterraine, l’extraction de lithium ne nécessitera pas d’extension de la surface de la carrière. En outre, la question de la logistique jouant un rôle clé dans l’empreinte carbone du projet, Imerys a opté pour que les micas soient transportés par rail vers l’usine de conversion, où le lithium sera extrait. Le recours au transport par train permet d’émettre 8 fois moins de C02 que le transport par camions. Enfin, dans l’optique de générer des synergies positives avec le territoire (optimisation du trafic passager, modernisation des lignes), l’entreprise se coordonne étroitement avec les élus locaux et la SNCF.